Nous entamons notre deuxième mois ici aux Émirats et le temps semble, tel le sable, nous glisser entre les doigts. Nous avons quitté notre paisible communauté pour rejoindre le cœur de Dubaï dans le quartier émirati de Jumeirah 3. Depuis le 27 mai le mois sacré le plus important de la religion musulmane a commencé : le Ramadan. A proximité de minimum 4 mosquées, nos journées sont bercées par le champ des appels à la prière et chaque soir est une fête qui dure jusqu’à 2h du matin. La journée, boire et manger en public est interdit et il est très difficile de trouver un restaurant ou des magasins ouvert excepté dans les malls. Cependant dès le coucher du soleil la ville s’anime et nous expérimentons les Iftars : repas festifs du soir après le jeûne. Une immersion dans la culture locale qui nous ravies les sens et les papilles!
Autre bonne nouvelle depuis notre déménagement dans Dubaï : on a récupéré une NOUVELLE VOITURE !!! Et dieu sait combien elle est indispensable dans les nouveaux pays industrialisés du XXème siècle. La conduite est une des clés les plus révélatrice pour comprendre un pays. Ces villes, construites à l’aube de l’avènement automobile et de l’urbanisme qui en découle, ne se livrent qu’une fois leurs infrastructures routières parcourues en long en large et en travers.
Une idée de la liberté à cette époque qui malgré de timides efforts pour développer les transports en communs (souvent réservés aux plus démunis) est toujours valable aujourd’hui. Toute transition énergétique se doit de prendre en compte ce facteur “liberté” acquis pendant un siècle. Même si on peut le voir comme un individualisme allant contre la réduction de nos énergies et de notre empreinte carbone, il est pourtant une réalité bien ancrée que les habitants de ces villes ne sont pas prêts d’abandonner de sitôt. Aux EAU, minimum 3mois dans l’année les températures dépassent les 40°C avec des taux d’humidité très élevés. Difficile alors de se déplacer en vélo, encore moins à pied où les 10min de trajet pour rejoindre l’arrêt de bus deviennent une épreuve. Avoir un moyen de transport individuel se veut alors indispensable.
La voiture est l’héritage du XXème siècle ayant eu un des plus gros impacts sur nos villes, et il est essentiel de penser son évolution dans le futur comme nous pensons la réhabilitation de nos bâtiments.
J+35_______ Le nom d’Alserkal Avenue résonne dans tout Dubaï en ce moment. Tout le monde en vante les mérites qui seraient à la hauteur de sa notoriété grandissante. Un tour du quartier s’imposait donc.
Étant à l’origine une zone industrielle commune alignant en rang d’oignons des entrepôts marchands, le quartier d’Al Quoz voit sa destinée changer du tout au tout quand la galerie d’art Ayyam y installe ses œuvres en 2008. Les années suivantes plusieurs galeries, mais aussi des designers et des start-up lui emboitent le pas. En 10ans Alserkal Avenue devient l’un des hubs artistiques les plus attractifs des Émirats se donnant pour ambition de promouvoir les initiatives culturelles notamment contemporaines de la région. Et ça marche : en 2012 la surface investie est doublée, et en 2017 OMA y construit une salle polyvalente prolongeant un espace public ancré au cœur du complexe.
Une reconversion industrie/lieu culturel déjà expérimentée plusieurs fois en Europe mais qui relève de l’audace pour les Émirats. D’abord il y a la démarche de reconversion qui est très peu pratiquée dans un pays où l’argent ne manque pas pour construire et où le foncier est illimité. Ensuite il y le lieu improbable des entrepôts industriels très éloignés du glamour pimpant du downtown ou de la Marina de Dubaï. Et enfin il y le programme très mixte et flexible en réalité comparé aux univers artificiels qu’on a l’habitude de fréquenter dans la ville.
Tout droit importé d’occident, le concept plait particulièrement aux expatriés occidentaux qui en ont fait leur lieu de rendez-vous. Praticable à pied, on retrouve une urbanité à bonne échelle, simple, très quadrillée, où les volumes saillants des entrepôts se détachent. L’esthétique puriste de la tôle est la toile de fond idéale pour installer une signalétique. Elle détaille même parfois la technique du bâtiment de manière très artistique. Une démarche prometteuse qui on l’espère inspirera dans l’avenir de nouvelle reconversion à Dubaï.
J+41_______ Comme vous le savez peut-être nous travaillons depuis notre arrivée à un partenariat avec l’Alliance Française et lundi 5 juin cela s’est concrétise ! Nous avons pu exposer nos recherches à l’occasion du Rendez-Vous du Lundi organisé chaque lundi matin par la médiathèque de l’Alliance et qui rassemble une audience majoritairement composée de femmes expatriées françaises. Très belle rencontre avec un public de 33 personnes (notre record ! ) très réactif et communicatif qui n’a pas hésité en échange à nous partager son ressenti personnel vis à vis de l’urbanisme, de l’architecture et du mode de vie ici à Dubaï. Et si ces nomades du monde étaient finalement les bâtisseurs du patrimoine commun mondial ?
De leurs point de vue ils ont importé ici la culture du dehors, ouvrant les logements sur l’extérieur, multipliant les activités sportifs et de plein air, aménageant les plages et tentant de créer un semblant de vie de quartier et d’espace public qui leur manque tant ici aux Émirats. Il faut dire que la ville nouvelle dans son ensemble n’a pas été pensé pour être parcourue à pied et la rudesse du climat depuis toujours a développé des architectures closes et/ou ouvertes sur des cours internes transparaissant jusqu’au mode de vie recentré sur les activités en famille et en intérieur.
Nous espérons avoir la chance de renouveler cette expérience à Hong Kong. Nous y travaillons. Vous en serez bien évidemment les premiers informés !
J+45______ Parmi les centaines de tours qui composent la skyline de Dubai nous avons trouvé NOTRE COUP DE COEUR dans le quartier fraichement érigé de Business Bay : la Residence 22 Tower.
De toutes les constructions parées de verre que nous avons pu voir ici, celle-ci a su répondre esthétiquement à la contrainte thermique qui est inévitable dans un contexte désertique. Les vitres teintées d’un marron glacé contrastent subtilement avec le blanc coquille d’œuf de la trame décalée en façade. ça change des vitres miroirs aux menuiseries inexistantes d’un certain goût. Élégante, bien proportionnée, minimaliste avec des finitions de qualité, elle trône au pied d’un des canaux que compte le nouveau centre urbain de Dubaï. La liaison avec la berge est fluide et cohérente avec l’ensemble du bâtiment.
22, c’est le nombre d’étages qu’elle comptabilise, proposant à chacun un appartement penthouse de pas moins de 445m2. On vous partage le plan trouvé sur le site internet d’une des agences immobilières. Vous noterez le nombre incalculable de salles de bain qui est définitivement une obsession ici aux Émirats, le dressing qui fait la taille de la chambre mais aussi l’espace réservé à la nanny. Accès privatisé par ascenseur donc, piscine sur le toit, salle de gym en rez-de-chaussée, service de catering, si vous souhaitez y louer un appartement il vous faudra déverser la modique somme de 10 000€ par mois. Et surtout, n’oubliez pas de nous inviter à la pendaison de crémaillère.
Credits : Core Real Estate
J+51______ Il n’est pas nécessaire de chercher très loin pour connaître 2 des bâtiments les plus emblématiques des Émirats… pas plus loin que dans son portefeuille. Le Dubaï World Trade Center et le Dubai Creek Golf Club se sont fait tirer le portrait pour figurer sur les billets de 100 et 20 Dirhams. Deux programmes qui illustrent parfaitement le profil que la ville cherche à montrer au monde entier : un haut-lieu du business et du loisir de luxe.
Tout premier gratte-ciel de Dubaï, le Trade Center se fait remarquer dès sa construction par son emplacement. Alors que la ville se concentre à cette époque autour du Creek avec les quartiers de Bur Dubaï et Deira, Cheikh Rashid bin Saeed Al Maktoum fait le pari d’implanter le cœur des affaires au-delà des limites de la ville. Certes la tour de 39 étages se positionne le long de la fameuse Sheikh Zayed Road qui articule tout l’espace urbain en croissance. Mais quand elle ouvre en 1979 elle est encore située en plein désert et le programme est forcé de s’accompagner de logements et d’un hôtel à son pied afin de loger les futurs businessmen emmenés à y travailler.
Le britannique John Harris – déjà architecte en charge du masterplan de Dubai en 1959 – dessine un bâtiment phare et fait entrer la ville dans la modernité en utilisant la forme de la tour et le béton préfabriqué. C’est donc fidèle à l’esprit marchand des Émiriens que le premier véritable symbole de la ville est un programme de bureaux accueillant une bourse et un parc des expositions. Aujourd’hui définitivement au cœur de la ville, il se détache toujours de la masse des buildings de verre par sa double peau de béton blanc qui le rattache davantage que ses voisins plus récents au climat local. On lui trouve personnellement un petit air des réalisations de Yamasaki à Détroit.
Empruntant sa forme aux voiles des dhows (voiliers arabes traditionnels très empruntés dans la vieille ville), le golf club trône quant à lui au milieu des greens du Dubai Creek depuis 1993.
Dessiné par l’agence Godwin Austen Johnson qui y réalise son premier projet aux Émirats, il surplombe la crique dubaïote et offre un panorama exceptionnel aux golfeurs. Sa notoriété est telle qu’au delà des billets, on le retrouve aussi placardé sur les fresques du tunnel de la D78. Difficile de trouver des bâtiments davantage représentatifs de l’héritage du Dubai des années 1970-90 tant c’est la période dont les ouvrages tendent le plus à être détruits pour laisser place aux nouveaux projets de développement contemporain. (Sans parler bien sûr de la Burj Al-Arab) Il semble cependant que ces deux exemples soient suffisamment ancrés dans les mémoires pour qu’ils soient conservés, même si à l’heure actuelle aucune législation ne les protège encore.
No Comments