Reconfiguration des Halles Alstom – Nantes / FRANKLIN AZZI ARCHITECTURE
Aujourd’hui, mercredi 29 juin, sera voté au sénat le projet de loi relatif à la Liberté de Création de l’Architecture et du Patrimoine LCAP. The H Project a voulu plancher sur le sujet et faire lumière sur certains points à impulser.
Initié par le gouvernement Ayrault puis devenu cheval de bataille de Fleur Pellerin, le projet de loi LCAP met fin à presque 40ans de désert juridique en matière d’architecture. Une loi attendue donc, ce qui explique les 451 amendements et les 3 ans de débat houleux qu’elle a générés. Bien que de nombreux points positifs soient à noter et que nous encourageons vivement les plus téméraires à parcourir le texte en entier, nous nous attarderons sur ces 3 mesures :
- Le seuil d’intervention de l’architecte est désormais fixé à 150m² de surface de plancher. En deçà de ce seuil les délais d’instruction du permis de construire seront réduits si le particulier fait appel à un architecte.
- La loi se place en faveur de l’innovation et de l’expérimentation notamment concernant le réemploi des matériaux. La “liberté de création” devient une liberté publique, au même titre que la liberté d’expression ou la liberté de la presse.
- Les mesures adoptées tendent vers une décentralisation et un dialogue entre l’État (ABF) et les autorités compétentes locales aspirant à une étude au cas par cas. Elles cherchent à moderniser et simplifier la lecture des données sur la protection des bâtiments et à en finir avec la superposition des règlementations.
3 points qui vont dans le bon sens et attestent d’une réelle volonté de l’État d’évoluer dans la pratique et l’expérimentation du métier. Une prise de conscience des besoins des architectes qui semble mettre tout le monde d’accord et n’augure que du bon.
Cela dit après une telle attente, de grandes expectations sont à prévoir. Nous espérons donc que la médiation qui s’en suivra sera à la hauteur de ce que cette loi offre. Qu’elle atteindra au delà de la profession les acteurs concernés : les citoyens. Nous pensons en cela à la réduction du seuil et à l’accélération du permis de construire dans certains cas. En espérant une amélioration dans le dialogue entre l’architecte et le client, cela devrait permettre à ce que le recours à un architecte soit ressenti comme une liberté, voire une évidence et non plus comme une contrainte.
En ce qui concerne le volet sur le patrimoine, nous applaudissons l’effort de la loi pour faire preuve de bon sens dans le traitement de protection de ses édifices en accordant plus de flexibilité : la délimitation du périmètre autour des bâtiments historiques ne sera plus fixée obligatoirement à 500m mais sera adaptée. Aussi nous restons attentives à la création d’un label dédié au patrimoine récent de moins d’un siècle qui permettra la consultation des services chargés de la protection du patrimoine avant toute modification ou destruction d’un bâtiment. Nous rappelons qu’un label patrimoine XXème existe déjà mais qu’il n’avait jusqu’ici aucune incidence juridique sur les bâtiments et édifices concernés.
Enfin le texte regroupe désormais les secteurs sauvegardés, les ZPPAUP et les AVAP sous le titre unique de « sites patrimoniaux remarquables ». Ils sont régis désormais par un seul Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur PSMV, ou un Plan de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine PVAP, moins contraignant, selon le niveau de protection choisi. Cela dans le but d’en finir avec la superposition des règlementations et de faciliter la lecture et la mise en application des plans de sauvegarde. Tous deux restent sous l’égide du code du patrimoine et ne seront pas inclus au PLU comme les amendements précédents le préconisaient.
Enfin au sujet de la liberté de création, elle étend le « permis de faire » aux logements sociaux, aux opérations d’aménagement se situant dans le périmètre d’opérations d’intérêt national. Ce qui laisse transparaitre une envie générale d’innover en matière d’architecture et d’encourager les architectes à expérimenter de nouveaux concepts et à requestionner l’utilisation des matériaux et leur réemploi. Rappelons que l’architecture est un bien commun garanti par la loi comme étant d’intérêt général. Un retour aux fondamentaux qui appuie l’importance du corps bâti de demain que l’on veut à l’image de l’avenir : plus innovant mais respectueux, plus expérimental et plus fort.
Pour conclure seul l’avenir nous dira l’impact qu’aura cette loi sur l’architecture et le patrimoine en France. En tous cas il y a eu prise de conscience et création de débats parlementaires, ce qui est bien plus stimulant que rester en retrait dans l’ombre à se plaindre de la baisse du budget annuel.Aller de l’avant avec l’idée d’une liberté de création sans pour autant en oublier le passé. On espère un mariage de cette envie d’innover et d’expérimenter avec le patrimoine. Nos villes doivent tendre vers cela et ne pas avoir à choisir entre l’un et l’autre, ni à les sectoriser, car c’est la fusion des deux qui fait la force d’un territoire. The H Project s’est toujours appliqué à défendre cette thèse et veillera à l’avenir à continuer d’étudier et d’encourager cela.
Enfin pour finir sur une note légère : la loi prévoit que les dix chansons françaises les plus diffusées ne pourront pas représenter plus de la moitié des œuvres francophones. Et ça, ça va faire du bien à nos oreilles !
Sources :
____ Vie publique
____ Ordre des Architectes
____ Le Monde
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