Pour sa 7ème édition, la biennale d’architecture, d’urbanisme et de design AGORA a souhaité mettre à l’honneur le grand oublié de ce nominatif à rallonge : le paysage. Le paysage métropolitain plus exactement car il est bien question ici de l’espace public en ville, terrain de recherche de cette biennale qui, comme son nom l’indique, cherche à rassembler sur des questions sociales et politiques les habitants de la cité.
Ainsi du 20 au 24 septembre, le Hangar 14 proposait expositions et débats sur des questions tournées vers le territoire et ses échelles, l’agriculture, le dérèglement climatique et le paysage dans l’air numérique. 5 jours, c’est un peu court selon nous pour parcourir tout les stands, les activités et profiter pleinement de toute cette matière riche mise à notre disposition gratuitement. Une matière qui a pris du temps et de l’énergie pour être créer. Une semaine c’est aussi le temps nécessaire pour certains citoyens d’être informés de l’évènement, le temps pour le bouche à oreille d’opérer. Une intensité cependant défendue par les organisateurs qui préfèrent une activité dense, stimulateur d’idées, qu’une activité sur le long terme plus pédagogique. Les deux se défendent, le tout est de l’assumer.
Cependant aujourd’hui nous ne ferons pas de retour sur le Hangar 14. Non. Pour aborder le paysage il nous semblait plus intéressant de vous parler d’un parcours. Ça tombe bien, AGORA c’est aussi une multitude d’actions et expos dans la ville. Et comme on est friandes de ce qui se passe à l’international, on est allées découvrir les paysages métropolitains de Bogota et Hyderabad, deux villes qui ont répondu présente à l’appel d’AGORA. La première a posé ses valises dans l’espace Saint-Rémi, somptueuse église réhabilitée en espace culturel.
Là, les Colombiens ont mis le paquet pour nous immerger dans leur culture et leur ambition de faire de Bogota une ville mondiale verte et sécurisée. Cartographie interactive (qui nous a bien occupé 30min !), paysages sonores, photos, concepts urbains et vue aérienne gigantesque au sol, le dépaysement est total et réussi. Le café colombien et les pâtisseries sont offertes par des élèves de l’Escuela Taller, ils savent nous prendre par les sentiments ! On sort en ayant saisi les enjeux de cette ville nichée à 2 640m d’altitude, qui s’est développée du sud au nord au pied des montagnes et rivières. Courez-y ! L’expo se prolonge jusqu’au 1er octobre.
Avant de nous y rendre à cette occasion, on était pas au courant que la brillante agence espagnole RCR avait construit à Bordeaux. Réhabilité plus précisément, puisqu’il s’agit là d’un bâtiment en pierre des plus classique, niché discrètement dans la rue Marengo à Saint-Michel. Sur la façade on peut encore lire d’anciennes inscriptions mais la nouvelle poutre en acier et les grilles verticales strictement alignées annoncent un tout autre univers architectural à l’intérieur. Dès lors, on ne sera pas déçues. Bien au contraire. A peine le palier franchi on reste sans voix devant une grande hauteur structurée par une charpente en bois rustique qui se marie très bien avec la pierre des murs mitoyens et l’acier brut allégé par un découpage en lamelles fines. Si la matérialité est belle, l’espace et le soucis du détail ne sont pas sans restes. Pour rejoindre l’exposition, on contourne un long banc en acier qui fait office de garde-corps (malin !) et on descend un escalier qui semble tout droit nous mener dans d’anciennes caves à vin.
Là, les voutes ont été conservé mais c’est bien le sol neuf qui attire notre attention : du gravier blanc contenu dans des alvéoles en plastique elles-même solidarisées et fermées en dessous par du géotextile. Le gravier ne bouge pas, le pas accroche mieux, c’est brillant. Outre l’architecture du lieu, l’exposition se déploie sous 3 voutes. Hyderabad nous est conté en photos : comparant différents lieux emblématiques de la ville à 1 siècle de différence, en cartes anciennes et en vidéos présentant l’écosystème vital d’une ville millionnaire.
Mais c’est bien au bout de l’exposition, prenant place dans une salle grandiose aussi haute que longue, que on prend conscience du paysage rocheux et de l’hydrologie caractéristique de cette ville étendue sur le plateau du Deccan en Inde du Sud. Une maquette en bois, réalisée par les étudiants de l’ENSAP Bordeaux sous la direction de J. Kent Fitzsimons, rend compte de la topographie et l’hydrographie unique du lieu. Invitées à marcher dessus, on mesure d’abord la géologie du sol avant de découvrir, à une toute autre échelle, l’urbanité qui si meut matérialisée par des maquettes en lévitation. L’éclairage, la qualité des maquettes tout autant que la superbe de la pièce, on est fans. C’est sur des notes de musiques indiennes qui semblent nous avoir téléportées dans un monde à part que nous quittons cette belle découverte… Direction les quais !
On était curieuses de voir comment le centre historique, minéral au possible, allé s’emparer de cette question du paysage. Sans grande surprise, il a tout misé sur ses quais et son rapport au fleuve. C’est redondant mais ça marche. Tout le monde s’en félicite, aussi bien qu’en hommage à son grand créateur, AGORA se clôturera par l’inauguration de la “promenade Michel Corajoud”. Pour l’occasion 1800 plants de tomates ont été aligné sur la rive gauche. Des tomates destinées à tous. Au niveau de la place de la bourse les jardineries Truffaut ont installé un potager urbain. Invitant à la détente, les gens se laissent aller sur les poufs à billes, à l’ombre des parasols avec, en décor, des choux, des graminées et des géraniums. La fontaine des Trois Grâces verse du “vin”, on n’y croirait presque.
Sur le miroir d’eau, un cinéma en plein air a pris place. On peut enfin se poser sur des bancs grâce au design tentaculaire des œuvres de Pablo Reinoso. On oublierait presque que cette carte postale idyllique prendrait une toute autre tournure sans ce beau soleil. Oui, le paysage c’est aussi une question météorologique ne l’oublions pas. Et ce qui manquerait presque à cette biennale c’est ce temps de pluie, voir la temporalité des saisons, qui attribuent des atmosphères plurielles au paysage. D’ailleurs au passage vendredi 22, c’était l’automne.
Plus d’infos sur la biennale et les expos encore en cours ———–> AGORA 2017
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