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“ROBUSTE, RÉELLE ET PAS CHÈRE” : DÉTROIT EN MARCHE VERS SON RENOUVEAU URBAIN

18 juin 2016

National Geographic - Titre
“Robuste, réelle et pas chère” tels sont les adjectifs employés par National Geographic pour décrire la ville de Détroit aujourd’hui. Un sentiment que nous partageons après plus d’une semaine passée dans « l’ancien Paris du Midwest ».

Un article que nous vous faisons découvrir et que nous mettons en parallèle avec nos premières impressions. L’auteur a pris parti d’observer la ville sous l’angle de ses habitants en reliant une série de portraits. « Ma curiosité ne portait pas sur les puissants dirigeants de ce drame croissant, mais sur les petits acteurs qui s’adonnent à créer une nouvelle ville loin de ce qui a longtemps été rejeté et considéré comme une terre perdue. » Ici on comprend que l’effondrement de Détroit de sa faillite à l’annulation de sa dette était quelque chose de nécessaire. Tomber pour mieux se relever. Désormais il y a une force, une envie d’entreprendre ici, qu’on ne perçoit nulle part ailleurs.

National Geographic - Michigan Ave

DE LA CONQUÊTE DU NORD EST À LA COMMUNAUTÉ

« Il n’y a pas beaucoup de marques connues ici, mais il y a des idées ». Jon, qui nous a accueillies gracieusement à notre arrivée, nous parle du business qu’il a monté à Corktown : Beardbalm, le nom laissant transparaitre le produit. Originaire de Détroit, il fait partie de ces personnes qui ont choisi de parier sur le renouveau de leur ville.
Une ville surchargée d’histoire, emblématique dans de nombreux domaines (automobile, musique, politique, mouvements sociaux et culturels), qui accueille souvent plusieurs générations d’habitants issus des mêmes familles. Les Détroitiens aime leur ville, non pas pour ce qu’elle donne à voir mais parce qu’elle est vraie. Une relation très particulière que l’on perçoit du fait que les gens partent mais reviennent toujours. Au congrès pour l’urbanisme organisé cette année à Détroit, Samantha nous raconte : « J’ai vécu à New York et c’était sympa un temps mais cela reste une ville trop individualiste. Pour se faire des amis, il faut vraiment y mettre du sien. Ici on a plus le sens de la communauté ».
La communauté c’est en effet un concept social qui se décline dans chaque organisme ici, à l’échelle du quartier, du travail, de la culture etc. Une entraide conviviale qui couplée à des opportunités donne envie à de nombreux jeunes de venir tenter leur chance dans une ville encore majoritairement en ruines.

Dans l’article, un nouvel arrivant venu de Brooklyn raconte : « J’ai déménagé ici avec $500 en poche, et six mois plus tard j’étais devenu propriétaire d’un business florissant. » Des histoires comme celle-ci, qui défient toute chronique urbaine actuelle, on en compte des dizaines à Détroit. « Nulle part ailleurs dans l’Amérique urbanisée il est donné de pouvoir entreprendre autant avec si peu d’argent. »
L’article présente le portrait de Robert Hake et de son entreprise Mylocker. Il est « emblématique de ce qui se passe dans cette ville délaissée, qui se réinvente de soi-même, bâtiment par bâtiment, personne par personne. » Ça n’est pas sans rappeler l’iconique rêve américain, fondement même de la société américaine. « Ici c’est un peu comme la ruée vers l’or en Californie. Mais si on est attentif, cela peut amener à sauver un quartier. N’est-ce pas génial ? »

Néanmoins on reste bien loin de la « conquête du Nord Est ». Pour faire son trou ici, il faut apprendre à connaître son public et à travailler main dans la main avec. « Ce changement est bénéfique ! Je trouve ça génial. Mais la plupart des gens veulent sauver Détroit. Tu ne peux pas sauver Détroit. Tu dois ÊTRE Détroit. » Antonio Agee, artiste dont le portrait est dépeint dans l’article, est un enfant de Détroit dont la faillite a volé la jeunesse et dont le réveil récent a mis à profit sa créativité. Ceux qui sont restés sont des battants ou ils n’avaient tout simplement pas le choix. Question de points de vue. « Les Détroitiens ont foi jusque dans un futur incertain. Au final c’est ce qui les caractérise. Ceux qui n’avaient plus d’espoir sont partis il y a longtemps, s’ils le pouvaient. » Ce qui est indéniable c’est qu’ils veulent et feront partie de ce changement. Alex Badasci Lindmeier, qui a entrepris la rénovation de nombreuses maisons dont une où nous sommes logées (cf : Bigadventures), en est convaincu :« les habitants sont les racines du potentiel de cette ville. »

National Geographic - Portraits

UNE VILLE À DEUX VITESSES

Pendant que le « nouveau Détroit », comme ils l’appellent, passe son temps libre à siroter des cocktails et à les prendre en photos en jouant à la pétanque dans les nouveaux endroits branchés de Downtown, Midtown ou Corktown, l’autre Détroit continue de protéger ses maisons des dealers et du vandalisme. « Il est facile de ne voir que le bon coté de la ville », il suffit de rester dans le bon quartier tellement la ségrégation sociale d’un bloc à l’autre est marquée. Les voies rapides, qui articulent et alimentent la ville, sont assez englouties dans le tissu urbain pour ignorer la détresse et la dégradation des quartiers Est et Ouest. Pourtant la triste vérité des photos du Détroit Urbex est encore une réalité. Nous ne sommes pas préparés à ça. Nous ne le serons jamais.

« Le problème est très basique mais tellement intimidant : beaucoup de Détroitiens sont pauvres et dispersés sur un large territoire. » En perdant la moitié de sa population en un demi-siècle passant de 1,8 millions d’habitants en 1950 à environ 700 000 aujourd’hui, Détroit a rejoint les rangs des shrinking cities. 1/3 des terrains de la ville sont consumés par le vandalisme ou laissés en friche. « Les crimes, le chômage et les écoles pourries rappellent qu’il reste de nombreux obstacles au rétablissement de la ville ». Le chômage endémique allant de 15 à 50% par endroits corse le défi de la mutation de l’emploi pour une population majoritairement ouvrière.

National Geographic - Explore Detroit occupied area map Carte montrant l’occupation résidentielle de Détroit

L’OPPORTUNITÉ D’UN NOUVEAU REGARD SUR LE PATRIMOINE XXÈME

Si les politiques d’austérité urbaine ont paralysé autrefois le renouveau de Détroit, elles devraient prendre fin avec sa mise en faillite et l’annulation de sa dette. « Ce qu’on a besoin ici, c’est d’UNE vision » nous confit Ronda au congrès pour l’urbanisme. Les habitants se bougent, créent des alternatives, dans l’attente intarissable d’un leader qui les réunira tous dans l’idée commune qu’ils se font de leur ville.

Dans l’émergence de ce nouveau modèle urbain, l’architecture devra en être. La reconstruction, rénovation, reconversion des usines et industries et de l’ensemble de l’héritage patrimonial de cette ville qui ne peut nier son passé industriel est inévitable. Encourageante, une force nouvelle se libère apportant un regard différent sur un patrimoine résolument XXème. Un renaissance qui selon l’article est déjà amorcée : « Two James, dont les propriétaires la décrit modestement comme la première distillerie de Détroit depuis la prohibition », produit ses propres spiritueux made in Detroit dans une ancienne usine automobile. Le mouvement est en marche, et il ne se fait plus en voiture désormais mais à vélo.

Crédits photos et carte : National Geographic

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