Le 16 octobre 2016, à l’initiative de l’agence Construire portée par Patrick Bouchain et Loïc Julienne, une centaine de personnes se sont réunies au point h^ut, une friche culturelle au service de la création artistique urbaine, afin de partager et échanger leurs expériences de « permanence architecturale ». Derrière cette terminologie se cache une envie d’architecture, une pratique, nouvelle ou pas, un outil qui va servir à construire en habitant et habiter en construisant.
En mai dernier, les éditions Hyperville avaient lancé une collecte via helloasso afin de financer une publication retraçant cette journée, les projets qui y ont été présentés et les discussions et débats qui en ont découlé. Voulant encourager cette initiative et curieuses dans savoir davantage, nous avions participé à la collecte et dévoré à notre retour en France début août le fameux graal.
Finalement la permanence architecturale c’est quoi? Pas facile de définir une pratique qui se défend d’être un modèle, sans quoi on risquerait « de la réduire, de l’uniformiser, de la contenir dans des cadres qu’elle tente constamment de faire exploser ». Le plus simple serait de saisir l’idée à travers les différents projets qui ont accueilli ces permanences. La publication va dans ce sens. Car si l’idée commune est de développer et d’accompagner la construction d’un projet et ses acteurs en étant en permanence sur le terrain, la mise en application reste adaptée à chaque étude.
Aussi si cette pratique est aussi diversifiée que les constructions et habitants quelle accompagne c’est qu’elle rappelle que chaque projet a trop de facteurs en jeux pour avoir une unique réponse de travail. C’est aussi l’occasion pour les architectes de descendre de leurs bureaux et de se confronter à la réalité sociale, constructive du chantier en amont, pendant et après, de dialoguer, médiatiser, argumenter en alimentant constamment une évolution de faire. D’être là lorsque tout prend sens.
Afin d’illustrer cela, nous souhaitons parler des universités foraines notamment celle de Rennes présentée dans la publication. En abordant des questions de patrimoine, de réactivation de lieux oubliés, et de positionnement politique ce projet pose les mêmes questions que nous. Dans cet exemple la permanence architecturale a pour but « d’ouvrir les champs des possibles quant a l’occupation du bâtiment. » Elle se positionne en hôte des lieux : une ancienne faculté des sciences, proposant d’être le « connecteur des différents acteurs du territoire. » Une expérimentation qui nécessite des actions et parie sur les citoyens. Ainsi elle permet de mettre en lumière leurs « désirs de faire » qu’eux mêmes ont pu avoir du mal à exprimer. Dans ce bâtiment d’histoire, différentes structures cohabitent et continue de le faire vivre et d’ajouter des pages. Cela n’est pas sans rappeler la flexibilité et l’envie d’ouvrir les portes aux initiatives qu’offre le RIC à Détroit. À la grande différence qu’ici le commanditaire est public et non privé et le but non lucratif. Tout deux répondent pourtant à une même question : quel devenir pour les bâtiments patrimoniaux délaissés par manque de moyens?
Personne n’a dit que ça serait facile, et personne n’a nié que la pratique aurait ses détracteurs. En novembre 2015, lors des REESAP #2 qui se tenaient à Rennes, nous avions rencontré Sophie Ricard, architecte à l’agence Construire venue présenter la permanence architecturale qu’elle a mené à Boulogne pendant trois ans. Ce projet rentrait dans le cadre de sa HMO. A l’issue de sa présentation elle nous a confié ne pas avoir reçu son diplôme. Pour le jury cette permanence n’était pas de l’architecture, ou plutôt : ne correspondait pas à l’idée qu’ils se font du métier d’architecte.
Sans ranimer un quelconque débat sur l’évolution de la profession en cours et en devenir, on comprend que la permanence architecturale continue de questionner le rôle de l’architecte et sa relation avec les différents acteurs de la ville. « Elle brouille les frontières des missions de chacun, questionne les limites des compétences » posant de réelles questions de statut. Pourtant cette peur de précariser la profession, de ne pas être à sa place semble ne pas avoir de sens, car avant d’être architecte nous sommes tous citoyens.
On vous encourage à parcourir les liens affiliés à ce poste et à lire la publication d’Hyperville (nous avons un exemplaire disponible si vous souhaitez l’emprunter). Et pour conclure (sur un léger fond de rentrée électorale) nous citerons Patrick Bouchain : la permanence architecturale c’est tout simplement « la mise en œuvre d’un Etat démocratique dans lequel on devrait être. »
Pour aller plus loin:
____ La publication
____ L’université foraine de Rennes
____ Construire ensemble à Boulogne-sur-Mer
____ Le Russell Industrial Center
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